Comment conjuguer transition écologique et droit de propriété ? C’est sur cette question que se penche depuis quelques années le législateur afin de concilier deux intérêts majeurs : l’intérêt collectif par la protection de l’environnement, et l’intérêt individuel par la sauvegarde du droit de propriété.

Le Droit de Propriété est un enjeu central depuis la Révolution de 1789, visé expressément à l’article 2 du Préambule de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen qui a valeur constitutionnelle. Il est qualifié de « droit naturel, inaliénable et sacré de l’Homme » dont nul ne peut être

privé si ce n’est lorsque la nécessité publique légalement constatée l’exige et sous la condition d’une juste et préalable indemnité.
Ce droit de propriété est également visé à l’article 1er du protocole additionnel de la Convention Européenne des Droits de l’Homme dont la violation peut être sanctionnée par la Cour Européenne des Droits de l’Homme.

Cependant, les Révolutionnaires de 1789 ne pouvaient prédire les problèmes écologiques à venir, et le législateur contemporain doit faire face à l’urgence climatique. C’est donc par la brèche laissée par la « nécessité publique » que les législateurs ont tentés à plusieurs reprises de concilier le droit de priorité avec les nouveaux défis environnementaux. Tel est le cas notamment en matière d’isolation thermique par l’extérieur (ITE) des habitations, donnant lieu depuis quelques années à de nombreuses batailles, juridiques ou non, entre voisins. En effet, le propriétaire d’un bâtiment ou d’une maison présentant un mur ou une façade en limite de propriété ne pouvait procéder à la pause d’une ITE sans l’accord du propriétaire du fond voisin sous peine de la démolition de cet empiètement.

Bien que la loi du 17 août 2015 sur la transition énergique ait introduit l’obligation de procéder à une isolation thermique par l’extérieur à l’occasion d’un ravalement dans certaines conditions, la loi telle que rédigée à cette époque ne permettait pas de passer outre l’autorisation de son voisin. Ainsi, dans les faits l’ITE n’était pas possible lorsqu’un mur était bâti en limite de propriété.

En 2018, des parlementaires ont tenté de faire voter l’ajout d’un article 685-2 du Code civil afin d’instituer une servitude légale de surplomb donnant le droit au propriétaire de faire réaliser une ITE à partir de 50 cm minimum au-dessus du pied du mur sur une épaisseur maximum de 30 à 50 cm.
Ce texte n’a toutefois été jamais adopté. Mais les parlementaires ont finalement franchi le cap dans la loi « climat et résilience » du 22 août 2021 puisque l’article L113-5-1 du Code de la construction et de l’habitation créée désormais un droit de surplomb au bénéfice du propriétaire d’un bâtiment existant qui procède à une ITE sous certaines conditions de fond :

– Aucune autre solution technique ne permet d’atteindre un niveau d’efficacité énergétique équivalent à moins que cette autre solution ne soit excessivement complexe ou onéreuse,
– Le surplomb doit être au maximum de 35 cm
– L’ouvrage d’isolation doit débuter à 2 m au moins au-dessus du pied de mur, du pied de l’héberge ou du sol, sauf accord des propriétaires des deux fonds sur une hauteur inférieure.

Il s’agit là des limites de cette loi montrant l’attachement du législateur français à ce droit de propriété. Par ailleurs il convient de faire constater cette mise en oeuvre de droit de surplomb par acte authentique ou par décision de justice, publié pour l’information des tiers au fichier
immobilier. Le Code de la construction est de l’habitation prévoit également une procédure d’information préalable du propriétaire qui devra manifester son opposition dans un délai de 6 mois à condition qu’elle soit fondée sur un motif sérieux et légitime tendant à l’usage présent ou futur de sa propriété ou au non-respect des conditions de fond de l’exercice du droit de surplomb.

Le voisin peut également s’opposer dans ce même délai au droit d’accès à sa propriété pour la mise en place des installations puisque le législateur a également prévu les conditions de mise en œuvre d’une nouvelle servitude de tour d’échelle qui doit être définie conventionnellement. Bien que tous les décrets n’application ne soient pas encore publiés, cette loi devra permettre de faciliter les travaux de rénovation énergétique.

Cette disposition posera un cadre nécessaire dans les conflits engendrés par ces travaux. Pour autant, les conditions restrictives de la mise en oeuvre de ce droit de surplomb risquent davantage de « plomber » l’ambiance entre voisins.

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