En cas de rénovation importante ou de construction d’une maison, le maître d’ouvrage dispose de garanties de prise en charge des désordres les plus graves, qualifiés de « désordres de nature décennale ». Chronique en partenariat avec l’Union des jeunes avocats de Grenoble.

Le droit de la construction, matière très technique où une jurisprudence prolifique tente de définir des notions non prévues par les textes, laisse parfois le maître d’ouvrage profane face à de nombreuses interrogations.

Qu’est-ce qu’un désordre de nature décennale ?

Ce désordre est défini à l’article 1792 du Code civil comme un dommage qui compromet la solidité de l’ouvrage ou qui le rend impropre à sa destination. Il s’agit d’un désordre d’une particulière gravité qui affecte l’ouvrage lui-même ou l’un de ses éléments d’équipement indissociable.

La notion d’ouvrage est difficile à cerner en l’absence de définition précise du législateur. La jurisprudence a dégagé plusieurs critères tirés de la fixité au sol de l’ouvrage ou encore de l’importance des travaux.

Ainsi, il a pu être jugé qu’un enrochement constitue un ouvrage au sens de l’article 1792 du Code civil dès lors qu’il ne consiste pas dans le simple empilement de blocs de pierre, mais que des techniques de construction ont été utilisées pour sa réalisation et qu’il a une fonction de soutènement (Cass. 3e civ., 24 mai 2011, n° 10-17.106).

En revanche, lorsque les travaux sont d’une importance technique limitée, comme par exemple l’installation d’une climatisation, ils ne sont pas assimilables à des travaux de construction d’un ouvrage (Cass. 3e civ., 10 déc. 2003, n° 02-12.215).

La notion d’équipement dissociable donne davantage de fil à retordre aux juridictions puisque, là encore, aucune définition n’est prévue dans les textes. La jurisprudence les définit comme faisant indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d’ossature, de clos ou de couvert, et dont la dépose, le démontage ou le remplacement ne peut s’effectuer sans détérioration ou enlèvement de matière des ouvrages concernés.

La démonstration qu’un dommage affecte un ouvrage ou un élément d’équipement indissociable ne suffit pas à permettre la mise en jeu de la garantie décennale. Il convient aussi d’établir que le désordre n’était pas apparent à la réception des travaux. En effet, la réception sans réserve de désordres apparents prive le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage de toute possibilité d’exercer efficacement une action en responsabilité contre les constructeurs.

Quelles obligations pèsent sur le constructeur professionnel ?

L’article 1792 du Code civil prévoit un régime de responsabilité de plein droit bénéficiant au maître de l’ouvrage. Ainsi, le professionnel engage sa responsabilité pendant 10 ans, en cas de survenance d’un désordre de nature décennale, à l’égard du maître d’ouvrage, mais aussi à l’égard des acquéreurs successifs en cas de revente de l’ouvrage.

La loi n°78-12 du 4 janvier 1978 relative à la responsabilité et à l’assurance dans le domaine de la construction, a institué un système d’assurance obligatoire dans une logique de protection du consommateur. Tout constructeur intervenant sur le chantier devra donc justifier avoir souscrit une assurance responsabilité décennale par la production d’une attestation d’assurance standardisée, conforme au modèle-type défini par un arrêté n° FCPT1502194A du 5 janvier 2016.

En l’absence de maître d’œuvre professionnel, le maître de l’ouvrage devra vérifier que chaque entreprise est bien assurée à la date du début des travaux et pour l’activité exercée.

Quelles obligations pèsent sur le maître d’ouvrage ?

L’article L. 242-1 du code des assurances prévoit que toute personne physique ou morale agissant en qualité de propriétaire de l’ouvrage, de vendeur ou de mandataire du propriétaire de l’ouvrage, qui fait réaliser des travaux de bâtiment, doit souscrire, avant l’ouverture du chantier, pour son compte ou celui des propriétaires successifs, une assurance garantissant le paiement des travaux de réparation des dommages de nature décennale.

Bien qu’obligatoire, cette assurance appelée « dommages-ouvrage », est fréquemment écartée par les constructeurs profanes puisque souvent onéreuse.  Pourtant elle permet une indemnisation rapide des dommages les plus graves que peut subir l’ouvrage sans que soient discutées les questions de responsabilité, les recours subrogatoires étant pris en charge par l’assurance dommages-ouvrage. En outre, certaines garanties défense/recours excluent de leurs conditions générales la prise en charge des frais de Justice en cas de non-souscription par le maître d’ouvrage d’une assurance dommages-ouvrage.

Il convient de préciser que la Cour de cassation impose que l’indemnité d’assurance soit strictement utilisée à la réparation du dommage (Cass, Civ 3ème, 7 mai 2016, n° 14/19804).

En tout état de cause, la technicité de ce contentieux conduit, dans la majeure partie des cas, à une expertise judiciaire pour déterminer la qualification du dommage et les responsabilités de chacun des intervenants. L’assurance dommages-ouvrage pourra alors s’avérer très utile pour le préfinancement de la reprise des désordres les plus graves.

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